mardi 28 décembre 2010

« Une approche des pratiques pauvres de la photographie : de l'intime à la réalité subjective», par Antoine Lévi


Photo © Yannick Vigouroux
« # 207, 2009 » (photophonie)






J'ai eu il y a deux ans le plaisir d'être le directeur de recherche extérieur d'Antoine Lévi, désormais diplômé de l'Ecole Nationale Supérieure Louis-Lumière, dont le mémoire de fin d'études portait sur Les « Pratiques pauvres de la photographie » :

http://www.ens-louis-lumiere.fr/fileadmin/pdf/memphotolevi08.pdf

vendredi 26 novembre 2010

FOTO POVERA, c'est reparti !




© Photo Rémy Weité



Très sensible à la gentillesse et à l'enthousiasme des artistes exposés, ainsi que celle du public qui peut toujours visiter l'exposition FOTO POVERA 6 (Médiathèque Florian de Rambouillet) puisqu'elle est prolongée jusqu'au 1er décembre, j'ai décidé de reprendre les rênes du collectif FOTO POVERA , alors que je croyais celui-ci, il y a quelques mois encore, cédant au découragement, moribond.

Merci aussi aux intervenants des deux tables rondes pour la qualité et la générosité de leurs discussions, et bien sûr à la Direction et à l'équipe de la Médiathèque pour la qualité de leur accueil.

Pourquoi « tourner la page » lorsque cette sixième page est si belle et sensible ?...




« Les Temps calmes » d'Eric Bouttier, ou le cinéma fixe de la mémoire


© Photo Eric Bouttier, « Les yeux de Léo »



Cela évoque un format cinémascope mais celui d'un cinéma immobile (qui évoque fortement le « cinéma fixe » cher à Bernard Plossu), puisque photographique, coloré donc et légèrement tremblé, obtenu grâce à un appareil-jouet, un faux panoramique 24x36 cm. Eric Bouttier évoque avec beaucoup de douceur et de sensibilité la fin de l'enfance. Une enfance remémorée, celle d'une lente déambulation dans les lieux où li vécut en Bretagne. 

« Les Temps calmes »: si sont nécessaires les images qui « dénoncent », le sont aussi, à l'inverse, celles qui  « consolent » pour paraphraser Robert Admas (Cf. son Essai sur le Beau en phiotographie, éditions Fanlac, 1996), ou apaisent.





jeudi 25 novembre 2010

La série « DES PAYSEMENTS » d'Eric Bouttier


© Photo Eric Bouttier



Les photographies de voyages intitulée « DES PAYSEMENTS » d'Eric Bouttier ont réalisée avec un appareil en plastique doté de 4 objectifs (proche de l'Action Sampler commercialisé par la lormographie). Des extraits du septième volet (un trajet de 6 mois en transports en commun entre Paris et Beyrouth réalisé cette année) ont étés montrés à Paris-Photo sur le stand de la galerie du jour / agnès b.

Il utilise, parallèlement à ce travail, un autre appareil-jouet, un faux panoramique 24x36 cm, avec lequel il a réalisé une série en couleurs sur la fin de l'enfance qui a la forme d'un diaporama sonore de 11 minutes, « Les Temps calmes », (il travaille actuellement sur sa suite, « Le Voyage incertain »).

« DES PAYSEMENTS est une exploration esthétique sur la photographie de voyage, une esquisse sensorielle sur la sensation d’être étranger au monde, sur cet état du voyageur pour qui le regard porté sur chacun de ces territoires est neuf, inédit. Cette série compte 6 volets à ce jour. Chaque territoire (La Paz, Beijing-Shanghaï, St Petersburg, la Slavonie, Mayotte, Hong-Kong) découvert - toujours pour la première fois - est appréhendé comme un chapitre à part entière: à chaque voyage, son propre mode d’être au monde. Ce sont des paysages qui sont uniquement traversés (il n’y est jamais question d’immersion): inconnus, entre aperçus, non appropriés, et déjà passés. Les photographies sont faites le plus souvent dans ce mouvement incessant, dans cette temporalité de l’immédiateté propre au voyage. De cette vision chaotique de territoires insaisissables découle une succession d’images qui sont ainsi les instantanés de cette première impression, brute et directe.

Par la déconstruction de l’image qu’il opère, l’appareil lomographique (appareil – jouet muni de quatre objectifs) s’est imposé comme le moyen photographique privilégié afin de retranscrire ces différentes sensations. Sa maniabilité, qui permet d’être toujours dans l’instant et le mouvement, induit un rapport immédiatement physique de retranscription. Il propose également une séquence fragmentée d’images qui s’intercale entre l’unicité de l’image photographique et le défilement cinématographique – ce n’est plus 24 images par seconde, mais 4 images sur 2 secondes. Le regroupement des quatre images en une seule joue sur la répétition, l’étirement spatial et temporel d’un même motif, comme une pause, ou au contraire sur la confrontation: les accidents, la déconstruction, la reconstruction. Comme en un long travelling horizontal, les séries se construisent sur le rythme accidenté d’une image chassant l’autre.

De la même façon que DES PAYSEMENTS se saisit d’une technique spécifique – quatre images en une - afin de rendre compte d’une vision chaotique, fragmentée, D’ICI (vidéo d’après film super-8, 8 mn, 2007) utilise le medium du Super-8 comme instrument de mémoire des lieux de l’enfance. Kerhouarn, Mériadec : une petite parcelle du Morbihan, en Bretagne, territoire d’origine, dépositaire d’un passé familial collectif. Chaque retour aux sources voit resurgir les mêmes rituels, les mêmes petites cérémonies, et réactive les mêmes images, déclenche les mêmes réminiscences. A la lisière du passé et du présent, "D’ici" entend cartographier les traces actuelles du souvenir dans ce territoire qui demeure étrangement inchangé, comme si le temps y glissait sans le transformer.

Travail sur le temps, sur les ruptures entre épilepsie et contemplation, saccades et ponctuations, le défilement des images, rapide, saccadé et répétitif, évoque les pages d’un album de famille que l’on tournerait trop rapidement. Entre essai documentaire et film expérimental, un labyrinthe d’images arrachées au flux de la mémoire se dresse alors, prenant comme fil conducteur la figure tutélaire de ma grand-mère, et mène le spectateur vers des paysages à la fois rêvés et remémorés.

Utilisation d’un appareil jouet (DES PAYSEMENTS), films Super-8 (D’ici): ces techniques low-tech sont choisies tant pour leur relative simplicité et maniabilité, qui permet d’être dans une plus grande spontanéité, que pour leur aspect amateur et les pratiques collectives et populaires qui y sont liées. Il s’agit toujours de chercher à capter l’instant dans son émotion la plus intense; pour reprendre le titre d’un film du cinéaste expérimental Jonas Mekas: ˜ As I Was Moving Ahead Occasionally I Saw Brief Glimpses of Beauty ˜.

Ces travaux correspondent également à une certaine forme d’intimité : ˜D’ici ˜, le travail le plus ancien, le plus directement intime, est une archéologie de l’enfance répondant à la question fondamentale du territoire d’origine. A la répétition rassurante et obsessionnelle d’un même motif (le territoire d’origine, l’enracinement du quotidien) répond la fragmentation spatiale des mondes inconnus, des territoires voyagés. A l’évidence tellurique de la terre bretonne répondent les errements, les pertes et les déroutes fragmentaires à l’œuvre dans DES PAYSEMENTS. »

(Eric Bouttier)


mercredi 17 novembre 2010

« POLA-LAND » exposition de mes Polaroids à la galerie Satellite, Paris 10e, 9 novembre - 4 décembre 2010 (la suite)


Exposition des Polaroids de Yannick Vigouroux
à la galerie Satellite, Paris, jusqu'au 4 décembre 2010




« Pola-Land » : j'ai eu l'idée de ce titre de série en songeant à celui de mon ami Christophe Mauberret, « Voigtland », au sujet de laquelle il a déclaré : " [...] disons que le résultat se juge à l'aune du spatio-temporel. Le grand bénéfice pour moi est de créer un apparentement des images qui désormais font famille. »"

« Pola-Land », parce que l'inventeur du film instantané Polaroid (http://www.ledevoir.com/culture/182008/la-fin-du-polaroid), fut, en 1948, Edwin H. Land. Et que belle coïncidence (ou prédestination), « Land » signifie en anglais « terre », « pays », « territoire »...

« Pola-Land » donc : un pays, territoire photographique du procédé Polaroid qui unifierait la vision. J'aime les utopies, le pari aussi de l'image qui fictionne, avant tout, quelle que soit sa qualité (ou sans qualité...). L'idée d'un monde que j' imagine fluide et délavé par des nappes de flou (depuis le début des années 1990, j'ai utilisé exclusivement des Polaroids amateurs dans ma pratique personnelle) brouillé et tramé de brumes mentales (à l'images des photos faites au Diana dans les pays de l'Europe de l'Est par Didier Cholodnicki, la série « De nulle part ») ; aux couleurs saturées aussi, au flash dématérialisant (Cf. mes « Flux de conscience »).

On aurait fait le choix de de ce monde-là, mental, de ne plus vivre et flâner que dans ce monde trouble et troublant où formes et couleurs crépitent, palpitent sourdement.

« Pola-Land », c'est aussi le titre de l'exposition à laquelle j'ai le plaisir de participer avec trois autres artistes, Ed Lisieski, Esmeralda Soares et Didier Tatard, à l'invitation de Xaxier Martel, à la galerie Satellite (Paris).

Yannick Vigouroux





Commissaire d'exposition : Xavier Martel,
un grand merci à Xavier, ainsi qu'à la galerie Satellite

Une exposition présentée "dans le cadre du Mois de la Photo-OFF".
This show is presented in the framework of the OFF Month of Photography festival.

lundi 15 novembre 2010

Douceur et sensualité du flou photographique (les images de Joseph Charroy)


© Photo Joseph Charroy





« Bonjour,
je viens de passer un bon moment à naviguer sur l'ancien blog de Foto Povera et j'y fais beaucoup de belles découvertes. Je ne connaissais pas non plus le travail Felten-Massinger. J'aime beaucoup votre approche de la photographie, être sensible à la fragilité des choses, dégrader le signe et atomiser les informations, c'est aussi une ligne directrice pour moi. Être dans un rapport anachronique et modeste avec le monde, c'est salvateur à notre époque.

Pour ma part j'ai commencé à travailler en noir et blanc avec un appareil Minox 35mm, en réalisant le développement et les tirages, puis je me suis procuré un peu par hasard un Lubitel et j'ai adoré travailler en moyen format... ensuite je me suis procuré un Diana, et régulièrement je récupère de vieux appareils sur les marchés aux puces. J'aime bien changer d'instrument. Dernièrement j'ai perdu mon Diana et je me suis procuré un vieux Zeiss Box-Tengor. Cet été j'ai commencé à faire de la couleurs à l'occasion d'un petit voyage et j'ai fort envie de continuer.
je vous envoie quelques images... »
(extrait de l'e-mail reçu le 24 octobre 2010)


J'ai d'emblée aimé la série de photographie qu'il avait joint à son courrier.

Une image a tout particulièrement retenu mon attention. Le visage lumineux d'une jeune femme, partiellement enveloppé par la courbe sombre d'unr capuche qui le dissimule partiellement autant qu'il le révèle, fait face à l'objectif. Un beau moment d'échange, de complicité qu'encourage si volontiers les appareils en plastique tels que les Diana ou les Holga (ils n'est pas insignifiant qu'on leur ai donnés des prénoms féminins...), si inoffensifs. Ces appareils-jouets désamorcent en effet toute tension : le regard du photographe n'a plus rien de prédateur, il n'est, au contraire, que douceur et sensualité.

lundi 25 octobre 2010

« POLA-LAND » Une exposition de Polaroids à la galerie Satellite, Paris 10e, 9 novembre - 4 décembre 2010





© Esmeralda Soares, Yannick Vigouroux
Ed Lisieski, Didier Tatard






jeudi 9 septembre 2010

Bandol - Festival, « HORIZON VERTICAL », 18 septembre-14 novembre 2010



















© Photo Didier Cholodnicki
Conception graphique : Caroline T. Bender
http://www.carolinebender.com/



Dans le cadre de festival, j'exposerai mes « Littoralités », photos de bords de mer et de de zones portuaires réalisées depuis 1996 avec une box 6x9.

samedi 10 juillet 2010

« Ceci n'est pas une lumière » (Bruxelles, Noël 2001)


Photo Yannick Vigouroux,
« Bruxelles, décembre 2001 » (Lomo LC-A)

Et si l'un des ciments de la Nation Belge était l'Humour ?...
C'est ce que je me dis en revoyant cette photo prise il y a presque dix ans dans le métro de Bruxelles, pendant les fêtes de Noël. L'affiche publicitaire qui a disparu m'intrigue, il ne subsiste que le néon mis à nu. J'appuie sur le déclencheur de mon Lomo LC-A pour enregistrer cet éclairage inutile, un homme surgit au même moment (« cela tombe bien me dis-je ! »). Une ou deux secondes plus tard, il se tounera vers moi, souriant et sachant que lui aussi je l'ai photographié : « C'est surréaliste. Ceci n'est pas une lumière... »

Cette photo mentale et sonore de l' après-photo, qui n'existe pas sur la pellicule, est la plus précise et précieuse pour moi, la plus réussie.

vendredi 9 juillet 2010

En blanc ou en noir, la mariée était nette (des avantages et des inconvénients des appareils jetables...)

Photo Yannick Vigouroux,
« Sicile, juin 2010 » (Agfa Clack, box 6x9)

On ignore si la « mariée était en noir » (cf. le film quasi éponyme de François Truffaut ), ou en blanc !

En tout cas, comme me l'écrit aujourd'hui Bernard Plossu (fan on le sait, justement, de la Nouvelle Vague) elle était curieusement « nette » :


« Salut amigo,

hier suis enfin allé me baigner !
Je m'allonge sur la plage pour me sécher, et là, j'entends mes deux voisines, sans les écouter vraiment, qui disent :
̏ Avec un appareil jetable... les photos sont floues... la mariée est nette ˝... »

mardi 29 juin 2010

Ma première photographie à l'I-Phone sur mode « Polaroid », 26 juin 2010


Photo Yannick Vigouroux, « Pour Rémy Weité, Paris, 26 juin 2010 » (I-Phone, mode Polaroid)  
Certaines fonctionnalités « fotopoveresques » très « gadgets » des appareils numériques actuels me laissent sceptiques. Cela relève avant tout, selon moi, du « gimick », comme disent les Américains, et je me méfie de cela. Pourtant, je ne peux résister à la tentation d'emprunter ces appareils à mes amis. Le plaisir d'expérimenter, la tentation de m'amuser malgré mes réserves premières, prennent presque toujours le dessus !... Lors de la manifestation « Révélations » (http://revelation-photo.fr/site/wp-content/uploads/2010/05/R4-dossierdepresse.pdf) qui se tenait à Paris, le week-end dernier, mon ami Rémy Weité exposait ses photos numériques pour la première fois : belle homogénéité, accrochage réussi. Enthousiaste, je découvre une magnifique lumière qui tombe sur une chaise, à côté de son stand et je demande à Rémy si je peux emprunter son I-Phone, tout comme j'avais emprunté le Panasonic de Brigitte pour tester le mode « Sténopé », il y a quelques mois. En résulte ce petit hommage...

lundi 28 juin 2010

La FOTO POVERA à l'école des Beaux-Arts de Besançon, mars 2010


Un projet auquel le collectif Foto Povera n'a pas été associé, mais qui propose une réflexion intéressante sur les pratiques « pauvres » ou « archaïsantes » dans la création contemporaine :


http://www.erba-actu.com/expositions/foto-povera/

mardi 25 mai 2010

« POLA-LAND » : une exposition de mes Polaroids, ceux d’Esmeralda Soares, Didier Tatard..., galerie Satellite, Paris, novembre 2010

© Photo Yannick Vigouroux,
« Venise, 1999 », de la série « Polaland »
(Polaroid Image)




Je viens de créer avec mon ami Xavier Martel un blog dédié à l’ exposition « POLA-LAND », dont il est le curateur. La galerie Sattelite (Paris) présentera en novembre 2010 mes Polaroids, ceux de Esmeralda Soares, et de Didier Tatard :





Le site de la galerie Satelitte :


jeudi 29 avril 2010

Exposition « Marc Trivier – Daniel Price – Michael Scheffer » au collège Lavoisier, Saint-Saulve (59)



Arnaud Zajac (http://arnaudzajac.blogspot.com/) vient d'organiser dans le Nord de la France une belle exposition, où figure l'une des mes principales sources d'inspiration : le photographe et écrivain belge Marc Trivier. Ses photos prises avec une box, qui m'ont beaucoup influencé. Tout comme Daniel Price, qui fut aux Etats-Unis un formidable acteur et défenseur, avec son journal Shots, (revue imprimée sur papier recyclé), dans les années 1980-1990, d'une photographie faite avec des « toy-cameras » (appareils-jouets). C'est aussi un très bon dessinateur.

Quant au troisième auteur, Michael Scheffer, artiste allemand, je connais moins bien ses photos, je l'avoue, mais ce que j'ai vu me plait. Des images floues, dont certaines m'évoquent parfois des photos ou dessins de David Lynch...

Trois artistes à découvrir, ou redécouvrir, dont les images dialoguent ensemble.

Le voyage américain de Bruno Debon (cameraphonie, été 2009)


© Photos Bruno Debon,
« USA, été 2009 »
(cameraphone)





Je reviens sur des images découvertes il y a déjà plusieurs semaines, en « vacance » (terme que je préfère à « vacances ») dans le Var.

Les notes qui leurs étaient consacrées étaient restées en berne. Je les ai relues cette semaine.

Je recommence à écrire. Le printemps et la lumière qui sont de retour enfin, m'encouragent à « reprendre » mes textes.






Dans ces photos de Bruno prises aux Etats-Unis durant l'été 2009, avec un téléphone mobile, le contraste est pratiquement inexistant... Une série dans laquelle l'empreinte lumineuse aurait hésité à se fixer, s'imposer.

Quand j'ai passé une semaine chez lui à Châteaudouble, Bruno avait bien d'autres préoccupations que la photographie : planter des centaines de pommiers... Et je me dis, alors que j'écris ces lignes, que ces arbres fruitiers sont un peu comme les sarabandes de Giacomelli, c'est-à-dire des points d'encrage, des piliers joyeux et sombres plantés au milieu d'un champ aussi mental que terrien.

Dans les photos de Bruno, les silhouettes des individus ressemblent décidément aux pochoirs discrets d'un univers mental et sensible, à des notes qui dansent sur une partition. Contrepoints à celles des pommiers ?

L'écriture photographique « automatique » est bien là, cet art brut numérique d'aujourd'hui : flous, écarts, accidents en attestent, plus dictées par l' « inconscient » du flâneur voyageur que par une volonté conceptualisée et préméditée de faire « oeuvre »...






Citation et transgression, ou encore tranquille digression visuelle, promenade dans un espace géographique et mental, à la fois familier et étranger...

Il y a eu, comme me l'a raconté Bruno, si importante dans ce voyage effectué avec sa femme et leurs deux fils (ces garçons qui sont devenus depuis ce séjour aussi familial qu'initiatique tellement férus, non pas de photo, mais de rock et de guitare électrique !...), la rencontre avec cette ville fantôme, désertée par ses habitants... ces architectures victoriennes en bois semblent, au crépuscule, toujours hantées par Norman Bates (incarné par l'inoubliable Anthony Perkins dans Psycho - 1960 - d'Alfred Hitchcock).

En tout cas, le demain matin, les spectres ont disparu (je songe aussi au film Invasion of the Body Snatchers de Don Siegel, 1956). Mais la demeure, vidée peut-être de son inquiétant potentiel, est toujours là, squelette de bois... Que contient-elle, annonce-t-elle ? S'agit-il d'un refuge possible ou au contraire une menace ?...

Un étrange voile de lumière, comme un calque translucide, semble parfois recouvrir cet univers visuel si explicitement référencé, aussi, à la peinture d'Edward Hopper.

Que reste-t-il du « Rêve américain » ? … des mythologies multiples, imbriquées, stratifiées, semble-t-il, que Bruno revisite en Européen fasciné mais critique, avec son minuscule téléphone mobile, son cameraphone...

dimanche 25 avril 2010

Günter Grass, « L'Agfa box, histoires de chambre noire», éd. Grasset, mars 2010



Le dernier livre de Günther Grass vient de paraître en France. Voici le résumé de l'éditeur :

« Pour feuilleter l'album-photo de sa mémoire familiale, Grass confie, une fois encore, à l'artifice d'une fable ironique bien à lui le soin de tourner les pages. II réunit ses enfants dans sa maison d'aujourd'hui et leur fait raconter, chacun avec sa parole et ses souvenirs propres, une enfance diversement concernée par la notoriété et l'existence particulière du père. Mais au coeur de leurs souvenirs, rivalisant avec l'affection filiale, surgit sans cesse la longue silhouette amicale de la vieille Marie et de son Agfa Box magique, qui toujours transfigurait les épisodes photographiés dans le sens du désir de chacun, et pouvait aussi inscrire dans les modestes clichés quotidiens une vision de l'avenir. Les pouvoirs fantastiques du tambour d'Oskar Matzerath sont déposés dans le boîtier affectueux d'une photographe pleine de sagesse qui visite les lieux et les maisons où l'auteur a vécu depuis un demi-siècle, mais tire aussi avec soi entre les lignes la question de l'invention poétique et de l'écriture. »





J. Hodil, « Mon domicile, souvenir du front, le 17 janvier 1918 »
Tirage argentique 10,5 x 14,2 cm
(Coll. Yannick Vigouroux # 1016 et # 1017)

Inscription au verso du tirage :
« A ma marraine de guerre,
Mes meilleurs baisers pour vous trois,
et mes meilleures amitiés à Adrien.
Souvenir du front, le 17 janvier 1918
(J. Hodil) »



Ecriture littéraire et écriture photographique, boîte et chambres noires comme boîtes et lieux magiques, machines et fabriques de fiction : les pages des albums de famille – et c'est la raison pour laquelle je collectionne des photos trouvées, ne sont pas les simples dépositaires de constats photographiques, mais les pages où s'écrivent nos mythologies intimes. Des mythologies traversées par d'autres mythologies lorsque l'image devenue anonyme (ou non) est investie par la subjectivité du collectionneur...


Günter Grass, L'Agfa box, histoires de chambre noire, éd. Grasset, mars 2010
http://www.flickr.com/photos/yannickvigouroux/4438463168/in/set-72157623508167275/

mercredi 14 avril 2010

Exposition « UMBRA » d'Angéline Leroux au Goût des autres, Paris, 9 avril au 3 mai 2010






« Umbra : n. f. étymologie latine d'ombre.
1 - obscurité relative que cause un corps opaque en interceptant la lumière. 2 - désigne particulièrement l'apparence, les contours des corps qui projettent l'ombre.

Umbra rappelle le principe du processus argentique : la lumière, en agissant sur les sels d'argent, produit du noir. Angéline malmène les conventions, déjoue l'image parfaite et définitive en explorant les possibilités du médium lors de la prise de vue, grâce à des boîtiers rudimentaires. Plus que le résultat, c'est le geste qui importe. A travers diverses expérimentations et en travaillant avec l'aléatoire, chaque série ou diptyque invite à tous les passages entre intérieur et extérieur, dans un jeu de transparences et d'ouverture.
Et si la photographie était l'instrument du doute, et non de l'image de la réalité, dont on a longtemps cru qu'elle était censée attester ? La photographie est une image possible d'un monde, non le monde lui-même… et pour Angéline cela ne fait pas l'ombre d'un doute. »

(Angéline Leroux)

Foto Povera & Fantastique quotidien

Photo Yannick Vigouroux,
« Caen, avril 2010 »
(Digital Toy-Camera Fisher-Price)





Je me suis récemment plongé dans ce recueil qui regroupe la totalité des nouvelles de Dino Buzzati, acheté au début des années 1990, pavé que je ne cesse de relire depuis, tant j’aime ce fantastique quotidien qui hante mes images depuis mes débuts de photographe : « tic-tic », une goutte d’eau remonte la rampe d’un escalier et rend fous les habitants de l’immeuble qui redoutent qu’elle n'ait de funestes desseins (« Une goutte », 1966). Un fantastique quotidien qui n’est pas forcément dramatique, et peut au contraire être synonyme de sérénité, de merveilleux intimiste et rassurant, comme c’est selon moi le cas dans cette image qui cite l’une de mes genres littéraires favoris.

dimanche 7 février 2010

Sicile-Palestine (discussion avec Patrick Galais, février 2010)

Ingrid Bergman dans Stromboli (1950), film de Roberto Rossellini



Quelques courriels échangés avec Patrick Galais. L'un de ces dialogues que j'aime, comme lui et d’autres amis, développer avant ou après un voyage :


« Patrick,

on m'a parfois reproché avec Foto Povera de me limiter à une typologie d'appareils self-made ou cheap... Non, il ne s'agit pas de cela [même si je sais que cela relève d'une inquiétude légitime], ... mais parfois, le boîtier est très important c'est vrai pour les auteurs... aussi cheap soit-il ; difficile à expliquer, moi c'est plutôt les box que je préfère ; j'essaie d'en trouver une qui marche avant de partir dans quelques mois en Sicile... »


« C'est vrai que les boîtiers sont des associés, des outils de transmission, de rayonnement, avec un rayon d'action bien défini, entre le photographe, le sujet, et le lecteur futur des images produites.

Pour la série "Construire" en Palestine, j'avais commencé à travailler au Rolleiflex. Mais cette machine à capter, cette douce vision en "L" me coupait trop du sujet.

J'avais besoin d'une posture physique plus frontale, plus "tendue", plus "la tête en avant", plus parallèle au sol.

D'où l'achat d'occase d'un vieux 6x7 Pentax avec viseur horizontal et d'un 75 mm. Un boîtier rassurant aussi par sa robustesse, précis, avec son miroir bruyant et vibrant.

Un objet assez violent, avec sa crosse en bois, qui a parfois répondu aux violences de l'occupation, celles-là même infligées aux palestiniens. Mais ce ne furent pas les meilleures images, loin de là, c'était juste une réponse d'autodéfense. Le simple fait qu'il soit là, inerte dans mon sac, me protégeait aussi, et me rappelait "ce que j'avais à faire" ici.

La jouissance perçue parfois aussi, et qui nous traverse des pieds à la tête lors du déclenchement, est toujours trompeuse, elle n'annonce jamais une bonne image.

Cette jouissance vient simplement de notre passé de photographe, elle nous rassure par rapport aux images que nous avons faites, et par rapport à celles que nous savons faire... Cette jouissance est donc un leurre, une bête autosatisfaction, voire d'auto-fascination, sans aucun rapport avec les images que "nous avons à faire". Et les images que "nous avons à faire", nous n'en savons rien à l'avance... C'est ça qui est bien non?

Bonne journée Yannick. »


« Outre la box dont j'ai parlé, mon Holga, j'ai moi aussi envie d'utiliser à nouveau un boîtier moyen format en mai prochain en Sicile, pour des raisons qui me semblent en partie proches des tiennes... mais en ce qui me concerne la « violence » renvoie plutôt la rudesse de la terre, la présence menaçante des volcans qui m'impressionne (J'ai en tête d'inoubliables images du film
Stromboli de Rossellini, qui date de 1950, revu plusieurs fois ces derniers mois). Oui, "ces images que nous avons à faire, nous n'en savons rien à l'avance..." Pour ma part je n'ai que des envies de voyage, de destinations, l'envie d'utiliser certains boîtiers, juste des intuitions et des attirances aussi fortes que vagues, rien de prédéfini vraiment...

Bonne journée,

Yannick »


« Hello Yannick,

Oui nous n'en savons rien de ces images à faire... Mais comme Catherine Merdy, j'ai envie de revenir au portrait, au corps, à la peau, à l'autre, mais de manière plus proche que par le bâtiment, ou en tout cas, moins détournée. C'est fondamental le portrait je crois...

A bientôt.

Patrick »

mardi 2 février 2010

Art Brut & Foto Povera

© Photo Yannick Vigouroux,
« Paris, 31 janvier 2010 » (Cameraphone)





Après l'averse, face à ces mouvements accidentels qui animaient si naturellement le bitume, j'ai vraiment eu l'impression de me pencher sur des réminiscences (voire, pour l'une des images, une résurgence) d'Art Brut.

J'avais froid. Et puis cette sensation désagréable de sentir le chien mouillé... Mais j'avais aussi le sentiment que cette odeur, pour une fois ou une fois de plus (avais-je oublié cette expérience ?), acquérait, grâce aux images, ou plus exactement la parfaite correspondance de cette odeur avec elles, une certaine « qualité ».

lundi 1 février 2010

« En longeant les choses » de Patrick Galais




© Photo Patrick Galais, de la série « En longeant les choses, 2004 »



Un autre voyage photographique, non pas en train, mais cette fois à bicyclette, auquel j'avais consacré un texte en 2004. Avec celui de Patrick, en voici un extrait ...


« en longeant les choses -Aout 2004.


Cette route à prendre est bordée d'espaces humains, parfois mutilés, qui nous concernent et nous regardent. Je sais que ce ne sera pas une "enquête" sur le paysage ou les espaces péri-urbains en mutation, et que ces espaces parfois vides, ou à l'abandon temporaire ne sont pas déshumanisés pour autant. Après le reportage et l'ailleurs, l'architecture, le rapport à l'autre dans le portrait, à la présence humaine dans les longs temps de pose du sténopé, je cherche encore, peut-être prétentieusement, mon humanité photographique dans cette humanité là. Les 2400 km accumulés seul à vélo, la tête reliée au pédalier vont faire office de machine à visionner, à laver des images et des pensées nombreuses, joyeuses ou douloureuses. Les images réalisées pendant ces trois semaines m'ont par la suite laissé perplexe quelques temps, sans yeux pour les voir ni voix pour les dire. Je ne les reconnais pas. L'errance a bien fait son effet... Il me faudra comprendre ces images, cette errance. Au delà de cette quête, cet état des choses et des lieux parle d'un monde qui perd parfois de sa compréhension, de sa poésie visible. Un monde qui ne sera plus pareil. Le temps de l'engagement-photographie m'apparait de nouveau... Le paysage était jusqu'alors pour moi l'innocence du regard retrouvée. J'aimerais bien y croire encore, sans m'y attarder.


Patrick Galais, 2004. »



« en longeant les choses


En longeant les choses, un road-movie photographique à la française, accompli avec cette mythique et sympathique bicyclette, à laquelle nous nous identifions tant dans ce pays : du facteur de Jaques Tati au Tour de France, ce moyen de locomotion évoque aussi dans notre mémoire des images lumineuses d'après-midi d'été, la transparence de fragments d'enfance où le paysage défile lentement. Ce voyage en images fixes est par ailleurs référencé à des signes vernaculaires hérités de la photographie et du cinéma américain qui font désormais partie du lexique visuel classique de tout photographe. [...] Faisant semblant de seulement longer les choses et de ne pas entrer dans le vif du sujet, Galais aborde en réalité frontalement, l'air de rien, les questions fondamentales de l'enregistrement du temps et de l'espace en photographie. Avec la sereine désinvolture du flâneur, là ou d'autres consacrent des essais parfois abscons à cette problématique, il préfère se promener à bicyclette dans un temps ralenti et dans l'espace photographique étiré.


Yannick Vigouroux, mars 2005. »


http://www.patrickgalais.com/


dimanche 10 janvier 2010

Les trains de lumière



© Photos Yannick Vigouroux,
« Windows, train Paris-Caen, déc. 2009 »
(Canon PowerShot SX110 IS)






Après avoir multiplié pendant deux ans les prises de vue à l'aide de téléphones mobiles et de sténopés numériques, j'ai récemment ressenti le besoin, tout en en poursuivant ces expérimentations, de renouer avec une photographie plus « sérieuse ».

Afin de faire de la photo argentique piquée et nette, j'envisage de faire réparer un boîtier moyen format délaissé depuis des années, et j'ai fait l'acquisition d'un boîter semi-amateur (ou semi-pro ?) : un Canon PowerShot SX110 IS. Je tiens à ce genre de précision (même si c'est sur un mode un peu ironique). Comment faire totalement le deuil de plus de 150 ans d'utopie techniciste ? Feuilleter, comme je l'ai fait récemment, un catalogue décrivant les caractéristiques techniques des derniers appareils numériques, toujours plus performants, je trouve cela aussi aussi fastidieux que de me plonger dans une revue consacrée aux automobiles, ou à l'informatique. Dimensions, ergonomie, vitesses etc., autant de termes communs aux différents catalogues et revues... Pourtant, et comme mon père m'avait demandé de le conseiller pour l'acquisition de deux appareils compacts destiné à mon frère et à ma soeur, je me suis plié à l'exercice... Moi qui aime tant malmener les conventions, voir arracher l'optique d'un appareil pour en faire un sténopé, j'ai décidé de redevenir quelque temps un praticien conventionnel voire délibérément ennuyeux. Un « bon élève ».

Mais rien n'y fait : à l'occasion d'un voyage en train entre paris et Caen à Noël, les images du magnifique Train de lumière de Bernard Plossu (éditions Yellow Now, 2001), j'ai multiplié, alors que nous traversions la campagne normande enneigée, les vues floues, fasciné par les métamorphoses que j'obtenais en jouant avec les reflets dans les fenêtres et la fluide déstructuration du paysage...