dimanche 26 juillet 2009

La Jeune Fille à la perle (Photophonie, juillet 2009)

Photo Yannick Vigouroux, « La Jeune Fille à la perle, juillet 2009 »
(Photophonie)






La jeune fille à la perle du Shopi porte un turban mais pas de perle et, à la place, de nombreux mais discrets perciengs au nez et aux oreilles (la pression de la Direction : avoir une tenue « correcte », conforme aux conventions bourgeoises auxquelles doit se plier le prolétariat ou post-prolétariat...). Elle esquisse un léger sourire en me rendant la monnaie. Son regard bleu délavé m'effleure, je remarque son cou gracile ; son visage qui s'empourpre légèrement. Toute en elle est beauté discrète, cette douce retenue des timides pas du tout ou peu conscient de leur beauté et se réfugiant vite dans cet capacité naturelle au retrait, à l'effacement, qui inspire d'emblée la sympathie chez certains, ou au contraire, attise chez d'autres, trop nombreux, les plus abjects reflexes de méchanceté gratuite ; car ces « prédateurs » détectent instinctivement toute forme de faiblesse...

La perle, « galet translucide » selon Malraux n'est pas portée à l'oreille, c'est l'oeil lui-même qui absorbe le tableau, le condense, dans cette scène banale, photographique.

Pas de pigments broyés pour recouvrir la toile... comme le fit Vermeer de Delft en 1665, mais mon prosaïque téléphone / appareil-photo, qui me semble être, comme les perciengs de la jeune femme, l'adaptation contemporaine de cela...

« L'homme du commun », comme le nommait George Dubuffet, a sans aucun doute « quelque chose d'extraordinaire », et la caissière du supermarché a, elle aussi, quelque chose d'extraordinaire.

vendredi 24 juillet 2009

« Archi-Balnéaire, l'horizon vertical » à la Médiathèque Noailles, Cannes, 10 juillet-14 sept. 2009 »

Photo exposée :
Yannick Vigouroux, « Lisbonne, 1998 »,
de la série « Littoralités » (Box 6x9)






http://archibalneaire.over-blog.com/article-23454493.html

jeudi 23 juillet 2009

Ma nouvelle série photophonique « # »



Photo Yannick Vigouroux,
« # 6 1 # 7, 2009 »
(photophonie)







J'ai toujours été fasciné par le visage de l'Autre. Pourtant, depuis quelques mois, j'ai de moins en moins envie de le photographier. D'où la naissance de cette série « # » : des images dépouillées, « sans qualité », sans« identité », que l'humain aurait déserté. Des lieux qui seraient strictement photographiques.

lundi 20 juillet 2009

« Crache la Mort (sténotoportrait), 16 janv. 2080 »


Photo Yannick Vigouroux,
« Crache la Mort (sténotoportrait), 16 janv. 2080 »
(Sténopé numérique / Digital Pinhole)




« Il y a quelques années, j'ai essayé de faire une photo, une seule photo, quelque chose comme un portrait, un autoportrait peut-être, mais sans moi et sans personne, seulement une présence, entière et nue, douloureuse et simple, sans arrière-plan et presque sans lumière. »
(Jean-Philippe Toussaint, L'appareil-photo, 1988)

Lorsque je me photographie avec mon sténopé, j'aime l'estompe due l'absence d'optique : mon visage mis à distance, de plus en plus flou, semble libéré du poids de l'existence... Un visage qui disparaît doucement lorsqu'il s'observe. Une manière d'anti-autoportrait ?...

lundi 6 juillet 2009

Une exposition de Polaroïds : POL / A, label hypothèse, galerie Nivet-Carzon, Paris, du 25 juin au 1er août 2009



Photos Alesandro Liuzzi et John Cornu





Inventé comme ses versions profesionnelle par Edwin H. Land (le premier appreil, le Polaroïd Land, apparaît en 1947), le Polaroïd amateur (le Procédé SX-70, et plus tard le Polaroïd 600) connaît un formidable essor dans les années 1970, chez les « amateurs ». Il apparaît aussi dans la production de fin de vie d'artistes d'André Kertész et de Walker Evans (lui qui jugeait pourtant, trente ans, plus tôt, la « couleur vulgaire » !). Durant cette décennie, des photographes américains, ne pratiquant pas forcément le Pola, mais en tout cas la couleur, tels que William Eggleston ou Stephen Shore aux Etats-Unis, Daniel Boudinet en France (l'un de ses Polaroïds - des rideaux verts laissant filtrer une lumière doucement diffuse, est d'ailleurs reproduit au début de La Chambre claire de Roland Barthes, 1980), revendiquent celle-ci comme un moyen d'expression artistique à part entière...

Ce sont aussi les interventionnistes, land-artistes et autres body-artistes qui eurent recours à ce moyen rapide et pratique de garder la trace d'une intervention éphémère.

Enfin, dès les années 1980, des artistes tels que Knut Marron ou Corinne Mercadier ont pris le parti de reproduire et d'agrandir leurs polaroïds, afin de mettre en évidence le grain, le contraste et la matière si spécifique et séduisante de ceux-ci...


Photo Clotilde Noblet



Ecriture spontanée, prise de note visuelle... , le Polaroïd, dans lequel Robert Frank inscrit, grattant la gélatine, des mots très simples, ordinaires, a depuis le début parti liée avec l'autobiographie, le journal intime et le topique du banal. L'inimitable bruit sourd et mécanique du pola surgissant de l'appareil magique après le déclenchement, puis l'apparition progressive de l'image unique et miniature, sont indéniablement séduisants !...

Preuve du nouvel engouement que suscite ce procédé, qui a failli disparaître totalement, environ 800 visiteurs auraient été présents lors de l'inauguration le 25 juin dernier !
L'ambition de la galerie est de montrer, et de mettre au même niveau, qu'il s'agisse des tarifs et du mode d'exposition, les Polaroïds de photographes très reconnus voire très reconnus (Lise Sarfati, Araki...), avec ceux d'autres artistes reconnus, débutants.

L'accrochage est remarquable et reflète parfaitement ce parti pris : sur deux murs, courent les minuscules polas intimistes, collées sur un carton neutre carré, inscrits dans un cadre blanc, sur quatre niveaux. Pas de cartels, d'indication de noms...

Hélas, les artistes n'ont pas tous joué le jeu et il existe de grandes disparités de prix. 2000 euros pour un Pola de plasticien, alors qu'un collectioneur averti et aisé pourrait s'offrir, pour quelques milliers d'euros de plus, aisément, un Walker Evans... Dans les prix réalistes et modérés, signalons quelques travaux très aboutis, dont certains sont formellement radicaux :

Clotilde Noblet, l'une des plus talentueuses polaroïdistes françaises actuelles, exposée d'ailleurs il y a quelques mois dans Foto Povera 4, dans l'atelier de Jean-Luc Paillé ( Cf. http://fotopovera.blogspot.com/2008/06/la-srie-de-polarods-sx-70-alice-raide.html)


Photo Dominique Mérigard




Ou encore Dominique Mérigard, avec ses images intimistes aux subtiles jeux de lumières et de transparences... ou Nelson Aires, qui propose un radical fondu au noir : un Polaroïd entièrement noir !



POL / A

du 25 juin au 1er août 2009
label hypothèse
Galerie Nivet-Carzon, Paris
40, rue Mazarine
75006 Paris
+33 (0)9 54 29 30 10
galerienivetcarzon@gmail.com
http://www.nizet-carzon.com/
ouvert du mardi au samedi de 14 h 30 à 1930

dimanche 5 juillet 2009

« Anti-poussière pas sorcière », un autoportrait-sténopé de Judith Baudinet, par Juliette Meliah

Photo Judith Baudinet,
« Anti-poussière pas sorcière , 2008 »
(Sténopé / Pinhole)




« Anti-poussière pas sorcière », affirme Judith dans son autoportrait nu au balai. Cette dénégation est-elle à prendre au pied de la lettre ? Que sait-on d’elle, à part qu’en ces temps où l’on ne parle plus que de méga pixel, elle persiste à prendre ses photographies à l’aide d’une boîte à thé percée d’un trou ? N’y a-t-il pas de la magie dans la façon de faire ? Et pour filer le contresens assumé, la femme-artiste n’est-elle pas nécessairement sorcière ? Surtout si elle décide, en dehors de toute médiation masculine, de mettre en scène son propre corps nu. Devant un corps sinueux comme un serpent qui s’élève au-dessus de nous, avec la perspective arrondie caractéristique du sténopé qui plonge les coins de sa chambre dans une pénombre évocatrice, on se sent comme au fond de sa marmite à potion qu’elle scrute et s’apprête à remuer du bout de son balai volant-baguette magique-cuillère en bois.

« Anti-poussière pas sorcière », Judith le dit et nous devons la croire, ce balai n’est pas un balai de sorcière, n’est pas un sceptre de reine, n’est pas une colonne du temple. C’est un bête balai, un pauvre outil prosaïque pour dépoussiérer les sols, moins efficacement qu’un vrombissant aspirateur, tellement moins magique que ces nouveaux aspirateurs automatiques : ne perdez plus de temps à nettoyer vos sols : l'aspirateur Roomba dans l’air 1600 le fait pour vous ! La poussière, ennemie ancestrale des femmes au foyer et des photographes, est la double ennemie de la femme photographe qu’est Judith, qui choisit de se mettre en scène en femme d’intérieur (le reste de son travail de reportage dans les rues de Massy, nous montre que c’est une mise en scène et que si elle est cela, elle est bien plus que cela...)

« Anti-poussière, pas sorcière », le titre est donc humoristique, ironique. C’est une caractéristique récurrente des autoportraits nus féminins, une caractéristique irritante pour certains amateurs d’art et de corps, comme Edgar Morin en éditorial d’un magazine Photo spécial autoportraits nus féminins qui préfère un autoportrait nu « humble », « sérieux », voire « tragique ». Mais Judith n’a que faire de l'humilité, et réserve son sérieux, sa capacité d’exprimer le tragique, par exemple la tragédie sociale d’une « Allée de Bagdad » jonchée d’ordures, avec des barres de béton à perte de vue en arrière-plan. Pour l’autoportrait nu, espace de liberté artistique, la pirouette est permise. Par exemple Judith se représente comme prête à passer un petit coup de balai, mais vêtue d’un simple slip noir et surtout, de chaussures à talon qui à la fois gainent et dévoilent la jambe et font d’elle une troublante « sténo-pin-up ». De même, la pose, assise, les jambes écartées, la main en appui sur la cuisse, pourrait être vulgaire et ne l’est pas par la magie de sa boîte à photo, qui floute, déforme, adoucit les contours et exagère les ombres, et transforme ces jambes en M, en zig-zag d’éclair, en courbe croissante puis décroissante qui enchante…

« Anti-poussière » pas sorcière, d’accord. Le balai n’est pas un balai volant, d’accord. Judith Baudinet n’est pas Hermione Granger, d’accord. Nous, spectateurs, ne sommes pas non plus un crapaud barbotant dans un chaudron. Mais comment évacuer si facilement la magie du procédé ? Une femme qui attrape des images dans une boîte n’est-elle pas nécessairement magicienne ?

(Juliette Meliah*, juillet 2009)


*« The female photographic nude, between art and non-art. A study of the conventions in the works of Mapplethorpe, Arbus and Woodman, and their artistic status », soutenu en septembre 2002, sous la direction de Claire Joubert, un mémoire de Master 2 (Paris-8, Saint -Denis) que rédige actuellement Juliette, qui, photographe, a participé par ailleurs à plusieurs étapes de Foto Povera...

http://www.flickr.com/photos/meliah/
http://www.myspace.com/lightintheface/