mercredi 30 décembre 2009

Le bleu du ciel dans le carré du Holga, les photos de Pamela Messi

© Photo Pamela Messi,
« Web-Holga 1 » (Holga)





Une jeune femme photographiée de dos se promène sur une plage au Japon... En découvrant il y a quelques mois cette image de Pamela Messi m'est venu à l’esprit le titre français de l’un des roman de Murakami Ryu, Bleu presque transparent (1976), et le titre de ce magnifique recueil de » poésie de Michel Maulpoix, Une histoire de bleu (1993), présenté en ces termes sur le site de l'écrivain : « Souvent les hommes restent debout près de la mer : ils regardent le bleu. Ils n'espèrent rien du large, et pourtant demeurent immobiles à le fouiller des yeux, ne sachant guère ce qui les retient là. Peut-être considèrent-ils à ce moment l'énigme de leur propre vie. »

Face à la photo de Pamela, je reste aujourd'hui fasciné par cette sensuelle transparence du ciel qui pourrait presque, de manière réversible, devenir une opacité bleue et froide, si tranchante et douloureuse... En même temps, et dans le même espace, pas de « pesanteur » du bleu qui doit rester aérien ou liquide, présent mais inaccessible. Et cette silhouette féminine si fragile qui se déplace avec grâce et lenteur sur la grève a quelque chose de rassurant. C'est comme un point de ponctuation fluide tracé avec maîtrise et assurance, un doux point d'équilibre et d'encrage, épicentre de mes sensations.

C’est le « presque » du titre du roman de Murakami Ryu qui, bien sûr, m'interroge encore. Comme le conditionnel que j'emploie si souvent (trop ?). L'expérience d'un entre-deux, d'un début et d'une fin. D'un désir de plénitude confronté au constat de l'inaboutissement. Mais dans l'espace intermédiaire des bords de mer, lieu privilégié d'ailleurs de mes propres « Littoralités » réalisées avec une box 6x9, tout reste ou devient, enfin, possible...

Ce n'est pas, je l'ai compris après, ce « Murakami » là qui intéresse et inspire Pamela. En fait, comme elle l’annonce dans son blog « Librepensine », son travail photo actuel, et pas seulement au Holga, mais vraisemblablement réalisé aussi avec un appareil numérique, fait écho aux romans d'un écrivain quasi homonyme : Haruki Murakami, dont je sais, je l'avoue, peu de choses. Mais je sais que j'en apprendrai plus (avec bien sûr la lecture de ce romancier) en revoyant les photos de Pamela, et en découvrant ses nouvelles images, et que je projettrai à nouveau ma subjectivité. Construirai ma fiction personnelle sur ses images, processus que favorisent selon moi le flou, le bleu et le vignettage de l'image...


http://www.flickr.com/photos/24544585@N06/sets/72157619934528737/
http://pamelamessiblogspot.com
http://librepensine.blogspot.com

lundi 7 décembre 2009

Parution de la revue « L'HELIOTROPE » # 03 : « En famille »


Anonyme, c. 1950. Tirage argentique 6,3 x 9,1 cm
(Coll. Yannick Vigouroux # 678)




Cette photographie, une surimpression accidentelle, que j'aime légender « L'homme qui tombe », issue de ma collection de « photos trouvées », vient d'être publiée dans le numéro 3 de la revue « « L'HELIOTROPE » :

http://www.heliotrope-online.com/index.php?revue-lheliotrope-03-en-famille


mercredi 4 novembre 2009

La série « Non facturé » de Jean-Marc Biry

© Photo Jean-Marc Biry



Jean-Marc Biry a gardé tous les tirages « non facturés » développés par les laboratoires de la FNAC de sa production photographique courante et familiale et décidé de les reproduire afin de les agrandir au format 50 x 60 cm, en conservant le rectangle "censeur". Si le rectangle agrandi, en apparence anodin, des images non facturées, évoque, dans notre inconscient collectif, le rectangle de la censure recouvrant par exemple les sexes dans les images jugées pornographiques, ou encore celui recouvrant le regard d'une personne lorsque la justice ou la presse a décidé ou est obligée de préserver son anonymat, la proposition est ici inversée par le photographe : l'étiquette plus ou moins honteuse devient en quelque sorte label de qualité.


http://www.chambreapart.org/BIRY/index.php?page=serie1

samedi 3 octobre 2009

Les sténopés spectraux de Stefanno Parinni

Le sténopé de Stefanno Parinni




Stefanno Parinni, photographe « amateur » (c'est ainsi qu'il se désigne), a réalisé lui-même son sténopé. Ses images de format panoramiques sont généralement prises dans la mer ou au bord de la mer.




© Photos Stefanno Parinni (sténopés)




Sombres coulures d'espace et de temps, figures et objets tremblés comme s'ils étient à l'agonie ou en proix à une étrange métamorphose, on est parfois à la limite du cinéma d'horreur, en particulier avec ce nageur dont le visage méconnaissable semble carbonisé, se putréfier ou encore se liquéfier sous nos yeux. Un univers onirique très persdonnel, inquiétant et fascinant.



© Photo Yannick Vigouroux,
« # 380, 2009 » de la série « Atomized Fragments »
(Photophonie)




En réalité, ce n'est le sujet qui est malmené : comme dans ma série numérique et photophonique en cours « Atomized Fragments » ce sont une fois de plus les codes académiques de représentation qui sont mis à mal, bousculés...

samedi 26 septembre 2009

La Nostalgie lisboète du Présent, selon Farhana (Pinholes & Polaroids)...




© Photos Farhana
« Pinhole shot from a street near by my first photography course. Exposure time was probably 5 seconds... Cant remember [...] The pinhole included.. and i love that pinhole. Funny because yestarday night i passed throuhg that exact same street and remembered my pinhole. »

Farhana réalise à Lisbonne des Polaroïds et des sténopés qui s'apparentent à de la nostlagie pure. Et en fait même à cette « nostalgie du présent » que revendique mon amie grecque Io Paschou. Tous les lieux, les personnes photopgraphiés semblent porteurs de cela, ou encore habités par cela... C'est beau et troublant !

Photos numériques réalisées avec un appareil classique, Polaroids ou sténopés plus « alternatifs », il en résulte en tout cas de minimalistes et merveilleux éclats de lumière, et aussi ces brûlures parfois aux marges de l'image, qui sont, parfois, le seul sujet de la photo ?...


La photographe écrit à propos des prises de vue numériques :

« I have a theory: digital shots are so much more pleasing to the eye here in flickr.. I have nothing against them, but its much more heart felt to grab the photo paper against you, squize it, through it away...
Its just like Van Gogh: nothing special seen in book schools but, once you've seen it live... it stays with your forever.
»

lundi 31 août 2009

D'autres « Littoralités » : les photos de Bruno Haumont-Asensio

Photo © Bruno Haumont-Asensio,
« Diaro 2009 » ( Great Wall)



Je lis ce dimanche 30 août un commentaire sur Flickr, accompagnant une photo de Bruno Haumont-Asensio : « Tu es prêt pour la Foto Povera. » Non seulement le photographe est prêt, mais selon moi, qui regarde depuis plusieurs mois avec beaucoup d'intérêt son travail, il fait selon pleinement partie de ce courant.

Les dernières images téléchargées, qui font partie de la série « Diaro 2009 », me font beaucoup penser à certaines vues de bord de mer d'Oscar Molina (http://www.oscarmolina.com/), hélas mal connu en France – même si Oscar pratique plutôt le noir et blanc comme Bernard Plossu dont il est d'ailleurs l'ami dans la vie, et artistiquement l'alter ego espagnol. Le photographe confie aimer aussi beaucoup les images de Vari Caramès (http://www.varicarames.com/)

« [les] photos ont été prises avec un Great Wall, un vieil appareil chinois que j'affectionne tout particulièrement ; je ne pourrais te dire pourquoi, peut-être à cause du flou qu'il produit, de son look (il ne ressemble à aucun autre).

Les falaises photographiées s'effacent doucement, dans un fondu atmosphérique bleu vert qui se confondent avec celui de l'horizon liquide, paisible et immobile. Certaines images aident à vivre, procurent une présence apaisante. C'est ce que je recherche souvent dans mes « Littoralités », et c'est ce que ressens face aux images de Bruno réalisées avec des appareils-jouets.

http://www.flickr.com/photos/brunogoiamendi/

mercredi 26 août 2009

« L'enfant au ballon » de Elodi Laurent

Photo © Elodi Laurent





Le thème de l'enfance est, je l'ai souvent écrit, recurrent dans les pratiques fotopoveresques. Les travaux de Nancy Rexroth, Daniel Challe ou encore Valérie Sarrouy, en sont de bons exemples... L'enfance occupe évidemment un rôle central dans les pratiques des amateurs d'hier et aujourd'hui , avec lesquelles les pratiques alternatives du collectif Foto Povera entretiennent de fortes affinités.


Elodi Laurent constate très justement :

« Il est redondant et banal de dire que le numérique a changé la pratique photographique, celle-ci est plus centrée sur l'intime, l'exhibitionisme et sur l'enfant. La photo a de moins en moins de rôles sociaux (voir les photos de Malick Sidibé, époque yéyé). Le développement des outils (webcam, téléphone portable..) a aussi entraîné un changement quantitatif, ce qui rend la question du choix et de la sélection primordiales. »



Vidéogramme extrait de The Shining (1980)
de Stanley Kubrick



La photo de l'enfant au ballon est issue d'une séance totalement improvisée pendant une réunion de famille. Le cadrage radical, le léger flou, comme un temblement rétinien, la pénombre ont quelque chose de mystérieux ; cette photo me fait beaucoup penser aux fantômes des fillettes jumelles, apparitions frontales récurentes dans le film The Shining (1980) de Stanley Kubrick, ou encore aux jumelles photographiées par Diane Arbus en 1967 (célèbre portrait qui a peut-être inspiré le réalisateur?...).

Le ballon joue un rôle important : il focalise fortement notre regard et pourrait bien être aussi une boule de cristal, ou encore une bulle dans laquelle l'insconscient serait enkysté, et qui menacerait de crever à tout moment....


« Le Boudoir de grand-mère » est le nom du blog passionnant que vient de créer Elodie Laurent :

lundi 24 août 2009

Les « télé-visions » de Pierryl Peytavi (et d'autres artistes)

Photo Yannick Vigouroux,
« Blue still-movie, octobre 2008 »
(Sony Cybershot)





Photographie et cinéma : deux moyens d'expression proches et pourtant si différents (Philippe Dubois, dans L'Acte photographique distingue par exemple le « hors-cadre » du « hors-champs »... ) qui entretiennent depuis toujours des relations naturelles, chaque language ne cessant de citer l'autre, de le mettre en abyme...

Dans les années 1960, nombre de photographes ont ainsi commencé à réaliser (au 60e de s.) des captures d'écrans TV, fasciné par la trame obtenue, la dégradation étrange du signal ; plus tard, des artistes tels que Bruno Debon ont, pour les mêmes raisons utilisé le Polaroïd SX-70 et moi-même depuis un an, j'ai développé une recherche similaire, en numérique cette fois, avec mon Sony Cybershot...





Photo Pierryl Peytavi, de la série « télé-visions, 2009 »



Pierryl Peytavi évoque en ces termes sa nouvelle série « télé-visions » (titre provisoire) :


« C'est encore à l'état d'ébauche, mais ça commence à prendre forme. Ces trois séries peuvent dans mon esprit être montrées séparément ou en même temps (mais là, il faudrait un grand lieu pour les exposer). Pour l'instant je n'ai tiré que la série « sous-titres » (voir la présentation faite à montpellier cette année), mais le reste va venir bientôt j'espère.

Ces séries poursuivent mes recherches sur la vision et sur la mise à distance du réel... c'est aussi un détournement, une dislocation des images, de la narration, du temps...

J'aimerais aussi jouer sur la démultiplication des ces photos en écho au bombardage quotidien d'images publicitaires et télévisuelles que l'on subit. »

vendredi 7 août 2009

Une tendresse inquiète...

Photo Yannick Vigouroux,
« Atomized Fragment # 93, 2009 »
(Photophonie)






La tendresse inquiète que j'éprouve souvent pour les objets les plus ordinaires, « sans qualité », et les visages anonymes que je croise dans la rue, dans le métro ou le train de banlieue, ressemble beaucoup à celle qu'éprouvait Gérald Neveu pour les mots :

« Ces mots caresse-les
Ces mots sont un duvet fragile
le duvet d'une bête obscure
douloureuse »

(extrait de « Comme par enchantement », Fournaise obscure, 1959)

dimanche 26 juillet 2009

La Jeune Fille à la perle (Photophonie, juillet 2009)

Photo Yannick Vigouroux, « La Jeune Fille à la perle, juillet 2009 »
(Photophonie)






La jeune fille à la perle du Shopi porte un turban mais pas de perle et, à la place, de nombreux mais discrets perciengs au nez et aux oreilles (la pression de la Direction : avoir une tenue « correcte », conforme aux conventions bourgeoises auxquelles doit se plier le prolétariat ou post-prolétariat...). Elle esquisse un léger sourire en me rendant la monnaie. Son regard bleu délavé m'effleure, je remarque son cou gracile ; son visage qui s'empourpre légèrement. Toute en elle est beauté discrète, cette douce retenue des timides pas du tout ou peu conscient de leur beauté et se réfugiant vite dans cet capacité naturelle au retrait, à l'effacement, qui inspire d'emblée la sympathie chez certains, ou au contraire, attise chez d'autres, trop nombreux, les plus abjects reflexes de méchanceté gratuite ; car ces « prédateurs » détectent instinctivement toute forme de faiblesse...

La perle, « galet translucide » selon Malraux n'est pas portée à l'oreille, c'est l'oeil lui-même qui absorbe le tableau, le condense, dans cette scène banale, photographique.

Pas de pigments broyés pour recouvrir la toile... comme le fit Vermeer de Delft en 1665, mais mon prosaïque téléphone / appareil-photo, qui me semble être, comme les perciengs de la jeune femme, l'adaptation contemporaine de cela...

« L'homme du commun », comme le nommait George Dubuffet, a sans aucun doute « quelque chose d'extraordinaire », et la caissière du supermarché a, elle aussi, quelque chose d'extraordinaire.

vendredi 24 juillet 2009

« Archi-Balnéaire, l'horizon vertical » à la Médiathèque Noailles, Cannes, 10 juillet-14 sept. 2009 »

Photo exposée :
Yannick Vigouroux, « Lisbonne, 1998 »,
de la série « Littoralités » (Box 6x9)






http://archibalneaire.over-blog.com/article-23454493.html

jeudi 23 juillet 2009

Ma nouvelle série photophonique « # »



Photo Yannick Vigouroux,
« # 6 1 # 7, 2009 »
(photophonie)







J'ai toujours été fasciné par le visage de l'Autre. Pourtant, depuis quelques mois, j'ai de moins en moins envie de le photographier. D'où la naissance de cette série « # » : des images dépouillées, « sans qualité », sans« identité », que l'humain aurait déserté. Des lieux qui seraient strictement photographiques.

lundi 20 juillet 2009

« Crache la Mort (sténotoportrait), 16 janv. 2080 »


Photo Yannick Vigouroux,
« Crache la Mort (sténotoportrait), 16 janv. 2080 »
(Sténopé numérique / Digital Pinhole)




« Il y a quelques années, j'ai essayé de faire une photo, une seule photo, quelque chose comme un portrait, un autoportrait peut-être, mais sans moi et sans personne, seulement une présence, entière et nue, douloureuse et simple, sans arrière-plan et presque sans lumière. »
(Jean-Philippe Toussaint, L'appareil-photo, 1988)

Lorsque je me photographie avec mon sténopé, j'aime l'estompe due l'absence d'optique : mon visage mis à distance, de plus en plus flou, semble libéré du poids de l'existence... Un visage qui disparaît doucement lorsqu'il s'observe. Une manière d'anti-autoportrait ?...

lundi 6 juillet 2009

Une exposition de Polaroïds : POL / A, label hypothèse, galerie Nivet-Carzon, Paris, du 25 juin au 1er août 2009



Photos Alesandro Liuzzi et John Cornu





Inventé comme ses versions profesionnelle par Edwin H. Land (le premier appreil, le Polaroïd Land, apparaît en 1947), le Polaroïd amateur (le Procédé SX-70, et plus tard le Polaroïd 600) connaît un formidable essor dans les années 1970, chez les « amateurs ». Il apparaît aussi dans la production de fin de vie d'artistes d'André Kertész et de Walker Evans (lui qui jugeait pourtant, trente ans, plus tôt, la « couleur vulgaire » !). Durant cette décennie, des photographes américains, ne pratiquant pas forcément le Pola, mais en tout cas la couleur, tels que William Eggleston ou Stephen Shore aux Etats-Unis, Daniel Boudinet en France (l'un de ses Polaroïds - des rideaux verts laissant filtrer une lumière doucement diffuse, est d'ailleurs reproduit au début de La Chambre claire de Roland Barthes, 1980), revendiquent celle-ci comme un moyen d'expression artistique à part entière...

Ce sont aussi les interventionnistes, land-artistes et autres body-artistes qui eurent recours à ce moyen rapide et pratique de garder la trace d'une intervention éphémère.

Enfin, dès les années 1980, des artistes tels que Knut Marron ou Corinne Mercadier ont pris le parti de reproduire et d'agrandir leurs polaroïds, afin de mettre en évidence le grain, le contraste et la matière si spécifique et séduisante de ceux-ci...


Photo Clotilde Noblet



Ecriture spontanée, prise de note visuelle... , le Polaroïd, dans lequel Robert Frank inscrit, grattant la gélatine, des mots très simples, ordinaires, a depuis le début parti liée avec l'autobiographie, le journal intime et le topique du banal. L'inimitable bruit sourd et mécanique du pola surgissant de l'appareil magique après le déclenchement, puis l'apparition progressive de l'image unique et miniature, sont indéniablement séduisants !...

Preuve du nouvel engouement que suscite ce procédé, qui a failli disparaître totalement, environ 800 visiteurs auraient été présents lors de l'inauguration le 25 juin dernier !
L'ambition de la galerie est de montrer, et de mettre au même niveau, qu'il s'agisse des tarifs et du mode d'exposition, les Polaroïds de photographes très reconnus voire très reconnus (Lise Sarfati, Araki...), avec ceux d'autres artistes reconnus, débutants.

L'accrochage est remarquable et reflète parfaitement ce parti pris : sur deux murs, courent les minuscules polas intimistes, collées sur un carton neutre carré, inscrits dans un cadre blanc, sur quatre niveaux. Pas de cartels, d'indication de noms...

Hélas, les artistes n'ont pas tous joué le jeu et il existe de grandes disparités de prix. 2000 euros pour un Pola de plasticien, alors qu'un collectioneur averti et aisé pourrait s'offrir, pour quelques milliers d'euros de plus, aisément, un Walker Evans... Dans les prix réalistes et modérés, signalons quelques travaux très aboutis, dont certains sont formellement radicaux :

Clotilde Noblet, l'une des plus talentueuses polaroïdistes françaises actuelles, exposée d'ailleurs il y a quelques mois dans Foto Povera 4, dans l'atelier de Jean-Luc Paillé ( Cf. http://fotopovera.blogspot.com/2008/06/la-srie-de-polarods-sx-70-alice-raide.html)


Photo Dominique Mérigard




Ou encore Dominique Mérigard, avec ses images intimistes aux subtiles jeux de lumières et de transparences... ou Nelson Aires, qui propose un radical fondu au noir : un Polaroïd entièrement noir !



POL / A

du 25 juin au 1er août 2009
label hypothèse
Galerie Nivet-Carzon, Paris
40, rue Mazarine
75006 Paris
+33 (0)9 54 29 30 10
galerienivetcarzon@gmail.com
http://www.nizet-carzon.com/
ouvert du mardi au samedi de 14 h 30 à 1930

dimanche 5 juillet 2009

« Anti-poussière pas sorcière », un autoportrait-sténopé de Judith Baudinet, par Juliette Meliah

Photo Judith Baudinet,
« Anti-poussière pas sorcière , 2008 »
(Sténopé / Pinhole)




« Anti-poussière pas sorcière », affirme Judith dans son autoportrait nu au balai. Cette dénégation est-elle à prendre au pied de la lettre ? Que sait-on d’elle, à part qu’en ces temps où l’on ne parle plus que de méga pixel, elle persiste à prendre ses photographies à l’aide d’une boîte à thé percée d’un trou ? N’y a-t-il pas de la magie dans la façon de faire ? Et pour filer le contresens assumé, la femme-artiste n’est-elle pas nécessairement sorcière ? Surtout si elle décide, en dehors de toute médiation masculine, de mettre en scène son propre corps nu. Devant un corps sinueux comme un serpent qui s’élève au-dessus de nous, avec la perspective arrondie caractéristique du sténopé qui plonge les coins de sa chambre dans une pénombre évocatrice, on se sent comme au fond de sa marmite à potion qu’elle scrute et s’apprête à remuer du bout de son balai volant-baguette magique-cuillère en bois.

« Anti-poussière pas sorcière », Judith le dit et nous devons la croire, ce balai n’est pas un balai de sorcière, n’est pas un sceptre de reine, n’est pas une colonne du temple. C’est un bête balai, un pauvre outil prosaïque pour dépoussiérer les sols, moins efficacement qu’un vrombissant aspirateur, tellement moins magique que ces nouveaux aspirateurs automatiques : ne perdez plus de temps à nettoyer vos sols : l'aspirateur Roomba dans l’air 1600 le fait pour vous ! La poussière, ennemie ancestrale des femmes au foyer et des photographes, est la double ennemie de la femme photographe qu’est Judith, qui choisit de se mettre en scène en femme d’intérieur (le reste de son travail de reportage dans les rues de Massy, nous montre que c’est une mise en scène et que si elle est cela, elle est bien plus que cela...)

« Anti-poussière, pas sorcière », le titre est donc humoristique, ironique. C’est une caractéristique récurrente des autoportraits nus féminins, une caractéristique irritante pour certains amateurs d’art et de corps, comme Edgar Morin en éditorial d’un magazine Photo spécial autoportraits nus féminins qui préfère un autoportrait nu « humble », « sérieux », voire « tragique ». Mais Judith n’a que faire de l'humilité, et réserve son sérieux, sa capacité d’exprimer le tragique, par exemple la tragédie sociale d’une « Allée de Bagdad » jonchée d’ordures, avec des barres de béton à perte de vue en arrière-plan. Pour l’autoportrait nu, espace de liberté artistique, la pirouette est permise. Par exemple Judith se représente comme prête à passer un petit coup de balai, mais vêtue d’un simple slip noir et surtout, de chaussures à talon qui à la fois gainent et dévoilent la jambe et font d’elle une troublante « sténo-pin-up ». De même, la pose, assise, les jambes écartées, la main en appui sur la cuisse, pourrait être vulgaire et ne l’est pas par la magie de sa boîte à photo, qui floute, déforme, adoucit les contours et exagère les ombres, et transforme ces jambes en M, en zig-zag d’éclair, en courbe croissante puis décroissante qui enchante…

« Anti-poussière » pas sorcière, d’accord. Le balai n’est pas un balai volant, d’accord. Judith Baudinet n’est pas Hermione Granger, d’accord. Nous, spectateurs, ne sommes pas non plus un crapaud barbotant dans un chaudron. Mais comment évacuer si facilement la magie du procédé ? Une femme qui attrape des images dans une boîte n’est-elle pas nécessairement magicienne ?

(Juliette Meliah*, juillet 2009)


*« The female photographic nude, between art and non-art. A study of the conventions in the works of Mapplethorpe, Arbus and Woodman, and their artistic status », soutenu en septembre 2002, sous la direction de Claire Joubert, un mémoire de Master 2 (Paris-8, Saint -Denis) que rédige actuellement Juliette, qui, photographe, a participé par ailleurs à plusieurs étapes de Foto Povera...

http://www.flickr.com/photos/meliah/
http://www.myspace.com/lightintheface/

dimanche 28 juin 2009

Les sténopés de Judith Baudinet (exposition dans les rues de Massy en octobre 2009)

Photos Judith Baudinet




Judith Baudinet exposera des tirages de très grande taille en octobre 2009,dans les rues de Massy.

La photographe a décidé, et j'aime beaucoup ce parti pris, d'intégrer les architectures et leurs distorsions, dues à l'utilisation d'un sténopé « fait maison » (sur lequel on peut lire des slogans auxquels je ne peux qu'adhérer, tels qu' « utopistes debout ! » ...) dans des vitrines d'immeubles - qui font eux-mêmes l'objet d'une deuxième étape de prise de vue avec un boîtier classique, mais sans être distordues elles...





L'insertion des architectures « sténopisées » dans les vitrines crée une surprenante profondeur ; fenêtre dans la fenêtre, architecture dans l'architecture, tout est ici jeu de répétition est de décalage : on passe de la couleur au noir et blanc ; des conventions de la perspective euclidienne aux déformations (en réalité plus proche , rappelons-le, de ce que perçoit notre oeil) crées par la rustique camera obscura « home made ».

Bien sûr, pour l'instant, ce n'est qu'un montage réalisé sur photoshop, puisque le projet est en cours de réalisation : la photo joue, aussi (comme les maquettes des architectes etc.) une fonction testimoniale par anticipation : elle s'affirme donc, plus que jamais, comme une projection mentale !...



Exposition : affichage très grand format dans toutes les rues de la ville de Massy... Vernissage le 16 octobre 2009
Ce projet est soutenu par la ville de Massy, par l’Etat dans le cadre de la Politique de la ville, par la Direction Régionale des Affaires Culturelles d’Ile-de-France et par l’Académie de Versailles.

vendredi 26 juin 2009

Projection des « Littoralités » aux Rencontres Internationales de la Photographie d'Arles (2009)







... ainsi que les photographies de Julie Vola et les vidéos de Benoît Géhanne et Marion Delage de Luget, le vendredi 10 juillet sur la Place du Sauvage pour la Nuit de l'année OFF, à partir de 21h30.



L'atelier du midi
1 rue du sauvage
13200 Arles
04 90 49 89 40

mardi 9 juin 2009

Parution de « Brest avec Holga » de Jean-Louis Potier (nov. 2008)





Photos Jean-Louis Potier,

issues du livre Brest avec Holga, 2008.







Brest avec Holga : le titre du livre Jean-Louis Potier fait référence, bien sûr, au livre de Frédéric Lebain (Mes vacances avec Holga, 2004), qu'il confie avoir aimé lors de sa sortie... Toutefois passer des vacances à Brest, ville portuaire presqu'entièrement détruite en 1944 par les bombardements des Alliés et donc reconstruite après guerre, est une perspective a priori moins séduisante que celle e séjourner dans une station balnéaire ensoleillée.

Mais Brest possède aussi son charme vernaculaire. Flous distanciateurs et distorsions dues à la médiocre qualité de l'optique en plastique du Holga participent d'une ironie tendre.

Brest avec Holga de Jean-Luc Potier, textes de Philippe Lannuzel, Jean-Luc Potier et Julien Bolle, Cloître Editions , 2008.




http://jeanlouispotier.blogspot.com/2009/02/brest-avec-holga_9659.html

lundi 8 juin 2009

jeudi 4 juin 2009

Inauguration de Foto Povera 5 à l'Opal Gallery d'Atlanta (4 juin 2009, 18 h-21h)

Photo Bruno Debon,
de la série "Spectres et Divertissements"
(Photophonie)





Ce collectif informel réunit des photographes adeptes des pratiques alternatives : sténopé, Holga, Diana et autres appareils-jouets, Brownie box...
Yannick Vigouroux

This informal collective brings together talented photographers who take an alternative approach to their medium by using sténopé, Holga, Diana and other toy-cameras. Brownie box...
Curated by: Yannick Vigouroux.



« Widows & FOTO POVERA 5


« Pourquoi cette récurence du motif hopperien de la fenêtre, chez les artistes qui exposent àl'Opal Gallery, qui a tant orienté à l'évidence notre sélection d'images, avec Constance, pour Foto Povera 5.

Tant cela semblait évident ?...

Quelques pistes de réponses... auxquelles j'ai tant pensé ces derniers mois.

La fenêtre, rectangle ou carré voire cercle transitionnels entre l'intérieur et l'extérieur, s'ouvre ou se referme, tel un obturateur d'appareil-photo, sépare et relie l'espace de l'intimité (celui du retrait introspectif ?) et l'espace publique (celui de l'exposition socio-professionnelle ?).

La fenêtre est aussi un miroir, parfois, comme je l'ai constaté chez certains auteurs...



Photo Didier Cholodnicki, « Andalousie, Espagne »
de la série « De nul part »
(Diana)




Une constatation s'impose, vis à vis de ces photos, selon moi : dans ces images, les fenêtres, avec leurs stores et leurs rideaux, et avec d'infinies nuances entre l'opacité absolue et la clarté aveuglante, éclairant ou assombrissant au contraire la pièce qu'on imagine volontiers « cubique » (qu'elle soit hors cadre ou non), oui cette ette pièce ressemble alors beaucoup à cette camera obscura dont on connait le principe depuis l'Antiquité ; et à ces sétnopés – simples boîtes à images percées d'un trou, dénuées d'optiques – et aussi , à peine plus élaborés, à ces box brownie et autres appareils d'amateur ou jouets !...

A la réflexion, ces images souvent percées – ou refermés par elles – de fenêtres, évoquent beaucoup cette expérience originaire que tant d'entre nous ont vécu : on habite occasionnellement ou l'on se promène, l'été le plus souvent (mais pas forcément, mais cela marche mieux lorsque la lumière est forte), dans une maison, ou une autre construction. Et venant d'un trou dans le mur, accidentel ou non, la lumière extérieure projète une image inversée et mouvante inattendue, « transparente », « blanche » sur le mur opposé. C'est « magique », semble-t-il...

Mais, plus fréquement, dans notre quotidien, ce sont des ombres portées et donc sombres, à la manière de celles, plus angoissantes, du cinéma expressionniste allemand des années 1920 (je pense en particulier à Murnau et à son célèbre Nosferatu...), inversées comme un négatif, que nous rencontrons.

Reste que le bâtiment destiné à une toute autre fonction au départ que celle d'être une grande « camera obscura » ou « lucida », habité mais parfois abandonné et même en ruines, s'apprente souvent dans ces photos exposées à Atlanta à des fabriques d'images mentales : c'est la raison pour laquelle, nous photographions ainsi, et choissions c'est lieux – et avons choisi tout naturellement ces images pour l'exposition.

Nous avons tous vécu notre chambre d'enfant, .. vivons adultes dans notre appartement ou l'une des pièces de notre maison, que nous le sachions ou non, comme dans un sténopé, me semble-t-il. Une boîte à recevoir, enregistrer, et, en même temps, le plus souvent, à fabriquer ces images ?...

(Yannick Vigouroux, 2 juin 2009) »



Un grand merci à Constance pour son invitation et à tous les photographes américains et européens qui ont accepté de participer à cette aventure avec autant d'enthousiasme !

samedi 9 mai 2009

Mon « élevage de poussières sténonumériques »

Photo Yannick Vigouroux,
« Port-en-Bessin, Normandie, 2009 »,
de la série « Littoralités [numériques] »
(sténopé numérique / Digital pinhole)





Jaime conserver les poussières qui résultent de l'utilisation de mon sténopé numérique (le capuchon en plastique percé d’un trou qui remplace l’optique brisée n’est pas parfaitement étanche), en référence notamment au cinéma d'épouvante japonais contemporain : dans Ring (1998) des mouches ou insectes sombres polluent, occupent l'écran de télévision, dans un bourdonnement oppressant...

Jean-Louis a évoqué « L’Elevage de poussières » (1920) photographié par Man Ray sur « Le Grand Verre » cassé de marcel Duchamp, je n’y avait pas pensé, mais j’aime l’idée de « cassure » en particulier.

J’aime malmener la technologie, l’idée de la briser littéralement en arrachant une optique. Dans Ring justement, la malédiction est transmise par différents appareils : téléphones, écrans de télévision, magnétoscopes contaminants… et bien sur révélées par des appareils-photos (les visages sont horriblement déformés dans les photos produites) ! J’en parlais avec Didier hier au téléphone, après avoir cité Willy Ronis, qui m’a confié récemment que lors de sa longue carrière, il n’avait jamais eu envie d’utiliser des boîtiers haut de gamme, leur préférant des Rolleiflex bi-objectifs et des Foca (dont les optiques sont d’ailleurs d’excellentes qualité) : rejet de la part de Didier comme de la mienne du fétichisme des appareils et des marques, qu’il s’agisse d’un Diana en plastique désormais à la mode, ou d’un onéreux Leica ou Hasselblad. L’ « appareil-photo n’est qu’un outil », comme le dit Didier, au mieux une « machine à poésie », pour reprendre la belle expression de Nancy Rexroth.

mardi 24 mars 2009

Sténopoulpes et visages en forme d’étoiles de mer…




Photos Yannick Vigouroux, sténopés numériques / digital pinholes






L’un des intérêts du travail d’editing précédant l’exposition de photographies inédites (du moins sur les murs), en l’occurrence Foto Povera 5 à Atlanta (juin 2009), réside dans la découverte (ou redécouverte) de motifs et donc d'obsessions récurrentes, comme tous ces portraits et autoportraits qui ressemblent tant à des "sténopoulpes" et des étoiles de mer…

Vive la poulpitude ?...